D'autant que la crête ne fait pas le moine ni l'habit le punk et qu'il y a bien trop à vivre là maintenant. Alors tous à vos ordis, faites péter les décibelles visuelles. Le voyage c'est comme le rock : c'est tout à fond!

Ici Pérou, à vous Paris!!!



N.B. : en cliquant sur la première photo d'un article, la série s'affiche en grand à l'écran.

mardi 30 août 2011

Taganga - Colombie, Région Magdalena (Côte Caraïbe), Août 2011


Taganga








Rafael, en sortie de sieste


Sous la pluie tropicale et la gouttière de la maison qui fait douche : les p'tites voisines.















 Dans les environs






Playa Grande








Et diverses criques






















Après 14 heures de bus de nuit, arrivée au matin à Santa Marta, sur la côte caraïbe. Changement d'ambiance radical. Au calme et à l'aspect propret et coquet des villages précédents, succède un certain désordre ambiant, selon ce que perçoivent mes yeux encore embrumés de sommeil. On est aussi passé de la douce chaleur à la grosse chaleur qui tâche. De sueur. Tout le monde en tongues. De nouveau des 2 roues en pagaille. Comme en Amazonie.

Au terminal de bus, je prends direct un taxi pour Taganga, petit village proche de Santa Marta. Et fuir la ville. J'arrive avec l'intention de me trouver une chambre seul et dans un endroit peu fréquenté. A San Gil, j'étais dans un dortoir de 10, complet tous les soirs et rempli uniquement d'étrangers. Pas un problème en soi, ça avait des côtés sympas. Quelques personnes intéressantes, dont un américain et un français. Désolé pour la blague y'avait pas de belge. Mais quelques jours pas plus. A présent j'ai envie d'intimité et de m'éloigner des touristes - des gens "comme moi" au passage. C'est mon p'tit côté "facho", selon la célèbre expression de Pierrot. Le paradoxe du touriste blanc qui veut faire du tourisme de blanc sans voir trop de touristes blancs. Bin voyons... dis donc Pierrick, tu voudrais pas non plus gagner au loto sans avoir tenté ta chance? En vérité, j'ai envie de solitude, qui est en passe de devenir ma meilleure amie et dont j'apprécie de plus en plus la compagnie. Et de poursuivre ma déconnexion. Donc c'est pas en étant entouré de touristes qui parlent majoritairement anglais sinon français entre eux que ça va se faire. Je déambule ainsi dans les rues poussièreuses de Taganga à la recherche d'un lieu adéquat et tombe sur une petite maison de famille avec un avis de location. Une dame d'un certain âge, bien qu'incertain pour moi, me propose gentiment d'entrer et 5 minutes plus tard, j'installe mon sac dans l'unique chambre à louer. Bonne impression et 10000 pesos la nuit (4 euros, soit 2 à 3 fois moins cher que l'équivalent dans un hôtel bon marché), avec la possibilité de partager leur repas moyennant finance (modique), et surtout l'impossibilité de voir débarquer d'autres touristes. Attention Guindé, tu commences à sentir le sauvage!
En tout cas, c'est exactement le genre de lieu que je recherche.

La maison se compose donc d'Ofelia, la mère (75 ans, je l'apprendrai plus tard) ; de Silvia, la fille aînée, 40 ans et accessoirement "infirme motrice cérébrale" (je reconnais de suite son handicap et me sens aussitôt gêné de cette étiquette, venue un peu trop tôt en tête) ; d'Angela, la cadette, 37 ans, anthrologue qui vit de ses reportages-radio sur les indigènes de Colombie ; et de Rafael, son copain, 34 ans, artiste plasticien et tout aussi accessoirement vendeur de vinyles. Si j'ai bien compris.
Accueil chaleureux, attention discrète, simplicité, chacun fait sa vie. Ce qu'il me faut. Pas de contrainte, en dehors du savoir-vivre élémentaire qui n'en est pas une. Donc pas de contrainte.

Premières choses à faire : acheter des tongues, un short de bain et passer "en mode" torse nu. Il fait une chaleur caraïbéenne, sous un ciel chargé de nuages qui ne tarderont pas à se décharger. Le moment d'aller se baigner. Sous la chaleur et la pluie. Caraïbéennes. La mer est d'huile. Chaude et calme. Comme la pluie. Parfait pour nager. Je nage.
Le soir, on sirote du rhum local sur la terrasse, avec Angela et Rafael. Puis à la plage, échoués sur un bateau. Je nage. Dans quoi déjà?

Une journée complète consacrée au blog et au récit des étapes précédentes. Je nage. Dans les mots et me noie, mais ne meurs pas.

Une autre entre baignades, hamac et promenade dans le village. Curieuse ambiance, mêlant tourisme d'un côté et petit port de pêche de l'autre. C'est donc davantage de ce côté que je trainerai. Et le fait d'être chez l'habitant me maintient à l'écart du virage touristique qu'a pris Taganga ces dernières années, et dans une ambiance plus locale.
Sur la plage, un vieux vendeur ambulant a établi résidence : sa tente en haut d'un arbre (si si c'est possible), son stand branlant et sa vieille moto rouillée au pied. Un peu plus loin, un pêcheur expose ses thons frais. Je transpire à ne rien faire, et d'ailleurs ne fais rien que transpirer. Suis en nage quand je ne nage pas.
La brise, tiède et sortie d'on ne sait où, caresse la peau. La salsa, chaude et sortie des radios, caresse les tympans. De fait, ça sonne très caraïbe tout ça. Je nage dedans.

4ème jour, je pars tôt sur le sentier côtier, en direction de Playa Grande, où je reste à lire avant que les premiers bateaux de touristes arrivent (en majorité des colombiens, venus passés la fin de semaine). Puis je poursuis jusqu'à Sisiwaka, une petite crique moins fréquentée. Je suis sensé y retrouver la señora María, sensée préparer du poisson fraîchement pêché. De fait, María occupe l'unique stand et à part son mari et un petit groupe de pêcheurs au bout de la crique, je suis seul. Elle me présente 2 poissons. Je fais mon choix et m'en vais nager en attendant la cuisson.
Assis à ma table, face à la mer, le ventre se remplit et la tête se vide. Petit à petit. J'y passe la journée. A Sisiwaka et à me vider la tête. Dans quelques jours (au Cabo de la Vela), j'aurai l'impression de n'avoir dedans que du sable, du sel, de l'eau et du vent. Surtout du vent d'ailleurs. Mieux vaut être une tête tourmentée ou une tête pleine d'eau? Une tête rouillée ou enrayée? A croire qu'il faudrait se couper la tête pour trouver la paix. En attendant, je me coupe les cheveux mais ne trouve pas de poux.

Quoi d'autre à Taganga à part cette déconnexion cérébrale en forme d'homme-poisson?

Une moyenne de 2 à 3 bains de mer par jour pardi! Quelques bains de nuit, dans les eaux devenues noires et étrangement calmes une fois le soleil couché. Quasiment inertes. C'en est presque inquiétant. Tripant en tout cas.

La rue où j'habite, à la fois animée et reposante. Occupée par des Tagangueros. Population joliment métissée, à la peau foncée, parfois noire. Ici on vit dehors, à la recherche de la petite brise et du degré en moins. Une ribambelle de gamins qui jouent ou trainent. Toutes les catégories d'âges sont représentées. Pourtant c'est calme. Sauf en ce moment-même où une bonne tranche de vie s'offre à mes yeux, et de bruit à mes oreilles.

La maison. L'attention et la gentillesse extrême d'Ofelia, ses fameux "tinticos" (cafés noirs) qu'on partage en complices. Ses yeux enchantés lorsque je lui offre un rhum ou un paquet de café. A mon retour du parc Tayrona et de la péninsule de Guajirá, elle commence à dire sur le ton de la blague que je vais rester un mois. Je crois qu'elle aimerait bien. Moi aussi d'ailleurs pourquoi pas?
L'agréable compagnie d'Angela et Rafael. Puis de Pilar, une de leurs amies colombiennnes qui vit à Marseille, de passage, venue les retrouver quelques jours.
Silvia qui nous berce de ses longs râles. Les voisins ne semblent pas en être perturbés. Ils les partagent, en toute nonchalance, comme le hamac de la maison.
Les charmantes gamines d'à côté, qui viennent de temps en temps chez Ofelia : rendre visite à Silvia, regarder la télévision ou bien s'amuser sous la gouttière, qui se transforme en douche lorsqu'il pleut.

En fait, je passe 2 grosses semaines ici. 4-5 jours avant d'aller au parc Tayrona, à la péninsule de Guajirá et à Palomino. Et une douzaine après. J'y ai laissé des affaires pour alléger mon sac. Et Taganga, dans ces conditions, cumule pas mal d'avantages pour moi : la comodité et la bonne ambiance de la maison, la chambre privée et pas chère, la terrasse et autres endroits paisibles pour écrire, l'eau courante et l'électricité, internet pour alimenter le blog en usant de la connection du restau voisin, et la possibilité de se rafraîchir avec la mer à 2 pas et des plages plus jolies à 10-15 minutes de marche. Avec ces températures, j'appréhende un peu et repousse la prochaine destination, Cartagena, où la chaleur sera plus étouffante encore et où il ne sera pas possible de se baigner comme ici. Je serai en centre-ville, puisque c'est l'attraction de Cartagena, et les plages sont apparemment moins jolies et nettement plus touristiques. Or les vendeurs de chouchou et de transats, très peu pour moi. Je suis pas venu en Colombie pour me retrouver à Palavas-les-Flots au mois d'août. Mieux vaut profiter de la mer ici. Et nager.

Dans la mer dans les mots dans mon nuage, dans le temps dans le rhum et dans ma sueur, je nage.


Note : Avec cette impression tenace que depuis quelques temps ce sont les livres qui me lisent, le voyage qui me fait et les mots qui se jouent de moi. Plus que l'inverse en tout cas. Comme si j'avais "décroché", inconsciemment ou consciemment décidé de disparaître, ou plus exactement de m'effacer. De ne plus exercer mon pouvoir sur les choses et de me laisser porter par elles - le voyage, les mots, les livres et tout ce qui se présente à moi en général. Me laisser porter et avancer, à la dérive ou à la nage, dans tous les cas sans lutter contre les courants. Puisque j'ai le luxe du temps.



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