D'autant que la crête ne fait pas le moine ni l'habit le punk et qu'il y a bien trop à vivre là maintenant. Alors tous à vos ordis, faites péter les décibelles visuelles. Le voyage c'est comme le rock : c'est tout à fond!

Ici Pérou, à vous Paris!!!



N.B. : en cliquant sur la première photo d'un article, la série s'affiche en grand à l'écran.

samedi 7 avril 2018

Je pense donc je stoppe, à fond la caisse - Chili, Región Aysen, Patagonie nord, février 2018


Aujourd'hui on fait du stop. On en avait envie et les conditions sont réunies : bus cher avec un seul départ tardif et arrivée de nuit à Chile Chico, le dernier bled chilien avant l'Argentine. Bof. Enfin surtout merde on est sur la carretera austral, la célèbre ruta 7, avec le vent en poupe tu m'étonnes ça manque pas, alors c'est le moment ou jamais de faire du stop. Demain ou même plus vieux on n'y sera plus. Y'a un p'tit goût d'aventure et de piment chili là-dedans qui n'est pas pour me déplaire. Et bien qu'on ait croisé hier pas mal d'auto-stoppeurs en rade pendant des heures, on y croit à fond les ballons, de baudruche même de football on s'en fout : c'est récré aujourd'hui. Même le soleil est avec nous ce matin. Comme quoi sans être croyant on peut avoir la foi. Moi j'ai surtout faim et froid en général, mais ce matin sur un malentendu...
On a tout de même gardé à portée de main passe-montagnes, bonnets, gants, écharpes, anorak, coupe-vents. De quoi grignoter aussi. Faut quand même pas déconner. La plupart des bagnoles qui passent dans le coin sont des 4x4 pick-up, il est donc probable qu'on fasse un bout de route dans une benne à l'arrière. Dans ce cas, attention les vents et même les percussions.

A 9h30 on est au coin de la carretera austral et de l'unique pompe à essence à 100 kms à la ronde, endroit stratégiquement favorable on l'espère. Objectif : Chile Chico juste avant la frontière argentine, au pire Puerto Guadal, le seul bled à mi-route où on pourrait toujours trouver à manger et planter la tente. Pour ça, on doit suivre la carretera austral (ruta 7) vers le sud puis bifurquer vers l'est sur la ruta 265, qui longe tout le lac General Carrera jusqu'à la frontière. C'est le dernier accès routier qui permet de rejoindre l'Argentine et de poursuivre vers le sud de la Patagonie. La carretera austral continue bien encore un bout au Chili, mais c'est une voie sans issue. Sans nous. 








10 minutes plus tard je déconne pas, la première bagnole qui passe, au ralenti en sortant de la pompe à essence. "Fais ton plus beau sourire Stef. Pas de lunettes de soleil, regarde-les dans les yeux". Et nous voilà en route. Un couple sympa de Valparaiso, qui a loué une voiture sur place pour se déplacer dans la région. Confort. Ils ne vont pas à Chile Chico faut quand même pas déconner, mais suivent la carretera austral vers le sud et peuvent donc nous avancer jusqu'au croisement avec la ruta 265. Parfait. 1h30 de secousses et de poussière plus tard, on y est. 

















Surpris d'être sortis si vite de Puerto Río Tranquillo, contents d'arriver si tôt à la bifurcation pour Chile Chico. Un panneau indique Puerto Guadal à seulement 9 kms, qu'on pourra toujours faire à pied avec les sacs si jamais on reste coincés là. Mais on est bien partis et désormais assurés de trouver un camping et une épicerie ce soir tout en ayant fait un bout du chemin. Ça nous met du baume au coeur et des fourmis dans les jambes. Maintenant, attendre ou commencer à marcher? Je m'allume une cigarette pour faire semblant de réfléchir. Pas le temps de finir de faire semblant ni même ma clope qu'un 4x4 arrivé en sens inverse fait demi-tour dans notre direction. ?!?. Coup de coude à Stef... "ton plus beau sourire". La nana s'arrête. Evidemment. Elle est venue déposer des amis qui remontent la carretera austral vers le nord et rentre chez elle, près de Puerto Guadal. Bin merde tu vas pas à Chile Chico comme tout le monde? C'est dingue ça. Bon d'accord c'est génial, ça nous avance encore et cette fois-ci on n'a pas attendu 5 minutes. Se regarde incrédules dans la voiture. Improbable - incroyable même mais je préfère les probabilités aux croyances et aurais tout de même apprécié de pouvoir finir ma clope tranquillement sans qu'on me presse. C'est dingue ça. M'enfin... on prend sur soi et on s'adapte. D'autant que la nana est super sympa et le 4x4 super confort.

Après un ravitaillement en gâteaux secs et autres coupe-faim à Puerto Guadal, on suit les recommandations des locaux, pas du tout convaincus qu'on trouve voiture qui passe et encore moins preneur à cette heure, et on marche jusqu'à l'arrêt de bus à la sortie du village en direction de Chile Chico. Arrivés là c'est l'désert. Le vent qui souffle, la poussière qui vole, le soleil qui cogne, aucune voiture en vue, personne à l'horizon. On se met à l'abri dans l'arrêt de bus et on découvre les mots que les auto-stoppeurs passés par là ont laissés : Nom Prénom, date, "ça fait 4 heures que j'attends ici - 4 rayé, à côté 5 rayé, 6 rayé, 7..." ; autre nom autre date, "ça fait... blablabla... 2 jours que je suis bloqué dans ce village". Il n'avait plus assez d'encre pour écrire "de merde". Et petit à petit on lit tous ces témoignages d'ennui, de résignation, d'impatience ou d'abattement. Hin-hin. Apparemment ici c'est vraiment pas gagné. Face à l'inquiétude, en bon cérébral je propose un sandwich. C'est mon côté philo ça. Mâcher lentement, ruminer presque. Tuer le temps et les idées qui passent par la tête. Éradiquer par le ventre toute tentative de pensée - potentiellement négative. Vraiment la philo c'est mon truc je crois.

Encore une fois, c'est en pleine mastication quasi oratoire de nos sandwichs qu'une petite bagnole de rien du tout, repérable au loin par sa taille minuscule et sa nature non 4 roues motrices, sort de nulle part et vient interrompre ce moment parfait de concentration intense et d'autosatisfaction intellectuelle. Merde c'est dingue ça!!! Ça fait pas 20 minutes qu'on attend! Y'a vraiment plus moyen d'être tranquille sur cette planète, même dans le trou le plus reculé du cul du monde. On va quand même pas finir en Antarctique chez les pingouins pour trouver la paix! Le pire c'est qu'ils s'arrêtent, nous obligeant à ranger notre nourriture à la va-vite dans nos sacs, comme des chiens enterrent leurs os dans la panique sous la pression d'autres carnivores. Dingue ça. Au bord de la crise de nerfs je parviens quand même à les garder, et dans un grand moment de lucidité, un truc proche de la métaphysique appelé "l'effet sandwich", à me rendre compte qu'une voiture passe et notre chance avec, et bien entendu pousser Stef du coude et lui murmurer un... "ton plus beau sourire". C'est beau l'amour quand même. Surtout quand on est philosophe.

Dans notre partie à jouer, ce Renault Captur est le tournant du match comme dirait Jean-Michel Larqué. Badaboum aurait fanfaronné Thierry Roland. Pardonnez mes références hautement philosophiques encore une fois. Le point de bascule. Ses propriétaires, un jeune couple de Santiago, pilent net à notre hauteur et s'arrêtent en plein milieu de la route. Vous allez où? Chile Chico. Comme par magie. Comme par magie un autre voiture arrive de nulle part mais tout de même de derrière et ça crée un bouchon. Bin oui forcément. Ici, une voiture c'est bison futé en état d'alerte, deux il passe au rouge. Panique à bord, ils descendent de leur bagnole, veulent nous emmener mais sont plein à craquer, se garent un peu mieux un peu plus loin pour débloquer la piste et redonner à Bibi Futfut une couleur plus décente. A vue de nez y'a pas la place mais ils sont chauds et nous aussi, donc l'espace se cherche et se trouve. En jouant à Tetris on se cale comme on peut avec tous les sacs sur les genoux et les couchages entre les jambes. Et pour ressortir de l'habitacle, il nous faut chaque fois dégager en premier nos 2 grands sacs à dos, Stef ne pouvant pas sortir de son côté. Mais on est comme des dingues, estomaqués - on n'a pas bouffé je vous le rappelle. Comme des gosses, sages : on sera à Chile Chico ce soir et le meilleur de la route est à venir. Ambiance géniale dans la voiture. Ça papote, ça se tait, ça rigole, ça regarde. Luis et Patricia s'arrêtent de temps en temps au gré des points de vue magnifiques qu'offre la route. La possibilité de se dégourdir les jambes et prendre quelques photos. Le top. Le match est plié comme dirait un ami philosophe néanmoins supporter.

On arrive à Chile Chico en fin d'après-midi, un peu secoués par la route (120 kms en 4h environ), avec l'estomac dans les talons et la vessie aussi. Félicie n'en parlons pas. Avant tout manger, ensuite se chercher un camping. Mais en claquant la portière ils nous disent qu'ils vont finalement poursuivre en Argentine dès ce soir et nous proposent de nous emmener jusqu'à Perito Moreno, la ville où on pensait se rendre demain. Où ils bifurqueront vers le nord et Barriloche, nous vers le sud et El Calafate. Dans les 2 cas des longues distances. Bref, on se regarde encore une fois incrédules et le sourire en coin. Vamos! Alors on change des pesos chiliens en pesos argentins et on n'y comprend plus rien dans les monnaies, d'autant qu'on n'a toujours pas mangé. Opération pipi et on ne l'a trouve plus parce qu'on n'a toujours pas mangé. Enfin on veut manger mais on ne sait pas où ni quoi car on n'a toujours pas mangé. Du coup, vu qu'on risque d'avoir des problèmes à la frontière pour passer notre bouffe, on va pique-niquer, enfin surtout piquer, tous les 4 sur la plage au bord du lac. Ventée forcément. Ici ça doit être vraiment terrible en hiver. A devenir fou. On traîne encore au mirador, où les vents déchirent les drapeaux et arrachent les lettres des panneaux, pour ne rien perdre de Chile Chico et de la fin d'après-midi, avant de partir au crépuscule pour la frontière argentine. Vers 22h, ils nous déposent à Perito Moreno, devant le camping municipal. Philosophiquement improbable. Philanthropiquement probant. On se quitte sur un abrazo qui veut tout dire et ne parle pas qu'en l'air puisqu'on se reverra à Santiago 2 semaines plus tard, avec le même enthousiasme.



Ruta 265. Vaut l'australe, la peine et même le détour si vous passez pas loin. A flanc de montagnes, à flanc de ravins, tombe dans le lac puis finalement non, l'effleure du bout du doigt. Remonte, retombe dans le lac puis finalement non.



































































































































































































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